voici un texte qui illustre ce que nous souhaitons vivre cette année pendant ce voyage...
Prenez SVP le temps de le lire ce texte que nous avons trouvé au hasard de nos lectures en préparant notre voyage et qui illustre ce que nous souhaitons vivre cette année...
La "théorie du kleenex" ou la fin de l'apnée par Christophe Raylat
Cela se produit en général le sixième jour. Loin de tout, en autonomie, avec
encore une bonne bambée à tirer et quelques cols à franchir, vous êtes au coeur
du trek. Au coeur de ce périple espéré des mois durant, comme une fenêtre d’air
pur dans votre quotidien. Bien sûr, je ne sais rien de celui-ci, mais j’imagine
très bien, à l’éclairage d’un bouclage acrobatique, la signification universelle
du mot “stress”, et ses corollaires “étouffement”, “insomnie”, et autres “raz le
bol !”. Vous voici donc partis vers ce trek tant espéré, cette respiration dont
vous vantez si bien les mérites, profonds et durables. Le premier jour,
l’enthousiasme, la libération des contraintes, la découverte d’une terre
nouvelle, la griserie du voyage qui commence, alimentent gentiment l’état
d’excitation. Comme une rémanence (hystérésis, dirait papi Freud) de la frénésie
quotidienne. Pour résumer, on est déjà parti, mais pas encore arrivé. Un état
intermédiaire, le temps d’entrer dans la lenteur du trek, en “lâchant les
amarres”. Mais justement, ce n’est pas si simple. Ce que je trouve
particulièrement intéressant, après quelques années passées à croiser des
trekkeurs en vadrouille, c’est la mise en place de ce processus. L’idée d’un
second souffle du voyage, qui en général se révèle rarement avant… le sixième
jour. Je m’explique. Passés les premiers temps d’euphorie, tout trekkeur se
trouve confronté à l’idée de la rupture. Rupture culturelle, temporelle et
matérielle. Ce passage marque la vraie confrontation entre l’idée que l’on se
fait du voyage, et le voyage lui-même. Avant, on vit dans l’imaginaire (voire le
fantasme), en préservant, peu ou prou, autour de nous, un environnement très
proche de celui qu’on croit pourtant avoir laissé à la maison. La preuve ? On a
toujours un paquet de mouchoirs en papier à portée de main. Et d’autres détails,
aussi, comme le rangement des affaires dans son sac, la propreté de ses
vêtements, ou la capacité à se regarder dans un miroir sans être trop surpris.
Je ne suis pas en train de dire qu’un “vrai” trekkeur se reconnaît à son
potentiel de clochardisation, mais plutôt que chacun porte en lui une certaine
propension à maintenir un lien, sécurisant et symbolique, avec son univers
familier, au travers de multiples détails personnels. Et je suis intimement
convaincu que la force de tout voyage, sa capacité à nous marquer profondément,
réside, pour beaucoup, dans la façon dont cèderont ces liens, les uns après les
autres. Au cours des treks que j’ai pu parcourir, j’ai vu bien des façons
d’exprimer ces ruptures : passage à vide, coup de blues, ou au contraire
euphorie, voire d’authentiques “pétages de plomb”, tous avaient finalement la
même signification : “je lâche les amarres”. De façon un peu symbolique, il
s’agit aussi de briser une apnée, d’accepter enfin de respirer l’air qui nous
entoure, pour remplacer celui, familier et rassurant que, par réflexe, on
maintient “à l’intérieur”. Qu’il y ait résistance ou pas, qu’il soit douloureux
ou harmonieux, ce processus aboutit à un état de perception et de disponibilité,
qui constitue la véritable alchimie du voyage. Difficile à soupçonner avant le
départ, essentielle au retour. Une alchimie à l’opposée des tendances d’un
marché du trek qui multiplie les voyages zapping, courts, intenses et apnéiques,
et dont on se demande parfois si la fonction principale n’est pas d’inscrire des
croix en face d’une liste (“je l’ai fait !”). C’est pourquoi j’aimerais vous
inviter à partir… longtemps. Pas forcément des mois, mais au moins plus de… six
jours ! En famille, en individuel, avec une agence, ou par surprise, s’il vous
plait, prenez le temps de briser cette apnée. Imaginez. Au milieu de nulle part,
après une petite semaine de marche, une étape, annoncée pourtant comme facile,
mais il y a cette foutue montée, interminable, insupportable, et vous vous dites
“je n’y arriverai pas, c’est trop long, et demain, et tous ces jours, encore”.
Alors vous vous asseyez seul, en silence, et, regardant les autres avancer, vous
vous surprenez à verser une petite larme. Votre main cherche dans votre poche.
En vain. Vous n’avez plus de kleenex.
Le voyage peut commencer…